Au départ, Lima serait une affectation pour
mon père de deux ans. Le ministère des Affaires étrangères (notre propre
ministère) déterminait le niveau de difficulté, en prenant en compte les
conditions de vie – menaces de violence, disponibilité de services médicaux
fondamentaux, eau potable, c’est-à-dire toutes les choses indispensables qui aident à mener une vie normale – afin de
négocier la durée de l’affectation. Comme suite aux conséquences de la crise du
MRTA et l’important rôle du Canada à Lima, l’affectacion fut prolongée d’un an
de plus. Certainement, le fait que ma mère devait suivre des traitements pour
le cancer a été un facteur qui nous mena à cette année supplémentaire. Il n’était pas question de
déménager pour aller dans un autre pays dans l’état de santé dont elle se
trouvait, elle ne l’aurait
pas supporté puisqu’elle était faible et ne s’était pas encore remise. Elle
avait déjà été mise en congé à l’hôpital, mais elle suivait diligemment les
traitements de radiothérapie juste au cas où il y aurait des célules qu’on
avait pas pu enlever au moment de l’intervention à la Clinica Montesur.
Nous étions tous obligés de nous adapter à une nouvelle vie y compris Brian qui
était à 6000 km de distance.
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David Bickford, un employé très sérieux |
L’année de première
a rapporté d’importants changements dans ma vie. Du côté académique, je
débutais parmi des jeunes de mon âge dans l’élite, je devais suivre le
baccalauréat international pour assurer une meilleure opportunité pour être
admis à l’université de mon choix dans mon pays d’origine – sans oublier en
fait la grande possibilité d’obtenir
une bourse. Le curriculum, j’en suis
certain que la plupart de mes paires seraient d’accord, était beaucoup plus
exigeant que les études du programme américan ou bien le péruvien. Mes sujets
préférés dans le programme du BI furent – Historie des Amériques, un continent
pour lequel j’avais toujours eu une grande passion à partir de Tuktoyactuk
jusqu’à Tierra del Fuego et aussi ITGS – mon cours d'informatique dans une
société globale, je débutais ainsi dans le monde des ordinateurs. Le
système du Lycée français interdisait l’utilisation de calculatrices ou
d’ordinateurs, nous étions obligés de faire travailler la tête, on nous faisait
aussi apprendre tout par cœur. Leur mentalité est que si l’on ne fait pas
travailler ce muscle, vous ne le ferez jamais, dans d’autres mots vous risquiez
de le perdre. Néanmoins, j’aimais bien être capable de créer tout plein de
choses à l’ordinateur, et éventuellement j’ai réussi à créer un site à l’internet
pour l’équipe de Softball de l’école secondaire ainsi que mes propres
sites pour faire homage à mes groupes de musique préférés. Moi-même, j’ai été
surpris de ma capacité d’apprendre aussi vite.
Ce moment fut
également une grande source de fierté canadienne pour moi, notre Ambassade
acceuillit des professionnels de l’élite de la sécurité qui travaillaient pour
SCRS et pour la GRC. Ils étaient venus dans le sud pour faire une
évaluation détaillée vis-à-vis la sécurité des maisons habitées par le personnel
canadien de l’Ambassade (les maisons des employés du MAECI et leurs
familles vivant à l’étranger), et renforcer la sécurité à l’Ambassade située à
Miraflores, ainsi que celle de la résidence de l’ambassadeur, et former à la
fois les agents de police locaux qui deviendraient l’accompagnement armé des
voitures officielles pour nous garder en tout temps et en tout lieu. J’étais
capable de comprendre qu’ils étaient impliqués et que nous étions dans de
bonnes mains. Tout au plus, l’attaché
de la GRC à l’Ambassade était de première classe, il ne donnait pas seulement
un excellent exemple de service comme agent portant une décoration, mais aussi
un remarquable membre qui contribua dans notre communauté canadienne
d’expatriés. Tous les gens l’aimaient dès qu’ils le rencontraient, y compris
ses homologues des différents pays avoisinants et les personnes responsables
des services chargés de l’application de la loi.
Du coup et en
raison des circonstances, j’étais obligé d’être toujours accompagné par plusieurs
gardes du corps, ce qui fut un important changement dans ma routine
quotidienne. Mon père devait en avoir un tout le temps, un gentil agent de la
police péruvienne qui s’appellait Roberto Mendoza. Il prenait son rôle au
sérieux et agissait toujours sans exception d’une façon professionnelle.
J’aimais lui raconter des blagues de temps en temps comme le font tous les
adolescents, ce fut de cette façon que nous avons développé un bon rapport.
J’étais convaincu qui si jamais il devait agir pour protéger mon mon père, il
le ferait tout de suite sans hésiter. Mon père lui rapporta du Canada, lors
d’un de ses voyages, un sweatshirt dont il accepta volontiers. Ce fut son fils
qui a eu ma précieuse collection de GI Joe. L’autre garde du corps, nous
accompagnait tous les jours dans le bus scolaire. Il n’y a pas grand nombre
d’enfants canadiens qui auraient pu raconter la même histoire. Personne, comme
passager se sentait gêné, car nous savions que c’était pour notre propre bien.
Il s’appelait Luis, un gars au physique maigre et nerveux avec un excellent
sens de l’humour. J’essayais de parler sur le foot, principalement de
l’équipe nationale péruvienne de foot et la possibilité de qualifier
pour la Coupe du Monde. Il ne montrait jamais son revolver pour se faire remarquer
et encore moins pour nous intimider pour que nous soyons sages dans le bus
scolaire. Il était toujours fier de lui-même et de son rôle, même s’il
s’agissait de protéger des enfants étrangers, un emploi dont la plupart des
professionnels de ce niveau aurait du mal à poursuivre avec un certain respect.
Nous avions des gardes du corps chez nous les vingt-quatre heures et les sept
jours de la semaine, ils aimaient jouer au basket-ball avec moi. Ils portaient
leurs grosses bottes, leur pistolet, leur équipe de nuit, leur radio et leur
veste de sécurité, tout ceci fut contre leur avantage. Pour des raisons de
sécurité, quand je sortais avec mes copains de l’école, je devais faire très
attention de porter absolument rien qui pourait m’identifier comme Canadien,
«Ce n’était pas facile!».
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Notre cher ami de la GRC, Jean-Yves avec l'Ambassadeur et mon père |
Probablement, le plus difficile des changements de mon style de vie à
m’adapter ce fut le fait de partir en voyage. Oui, c’est bien ça, j’ai dit
voyager. Un grand nombre de personnes aiment l’idée de voyager pour connaître
de nouveaux endroits et prendre une pause de la vie réelle, mais pendant
combien de temps peut-on échapper à la réalité du chez soi ? Mes parents
n’eurent pas de choix cette fois-ci. Notre gouvernement imposa que les familles
quittent le poste aussitôt que l’école finissait ainsi qu’à chaque fois qu’il y
avait des congés prolongés pour des raisons de sécurité, vu le danger en
croissance du personnel canadien de l’Ambassade au Pérou. Ce qui voulait dire
qu’à chaque fois qu’il y avait un congé quand j’aurais pu passer du temps avec
mes copains ce n’était plus possible. Certes, c’est cool de voyager et
voir le monde, mais cela devient difficile lorsqu’on sait qu’il est dangereux
de rester chez soi et vous devez quitter vos copains. Néanmoins, j’ai réussi à
profiter bien de Lima et de cultiver mes amitiés malgré tout. J’ai dû accepter
la réalité et obéir le règlement pour veiller à mon propre bien-être et ma
sécurité.
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