Quand nous sommes revenus au Chili, après
nos vacances de Noël et du Jour de l’An, juste quelques mois avant notre
sixième anniversaire d’avoir quitté Ottawa. En tant qu’enfant, la notion de
temps, prend une importance différente, à celle que nous avons à l’âge adulte.
Le Canada était resté dans le passé, Au bout de deux ans et demi, à l’œil non
averti, mon frère et moi étions devenus Chiliens. Le processus d’adaptation a
été tout un succès, nous avons appris à partager nos passe-temps, notre passion
pour la cuisine, nos expressions ainsi que nos préoccuptations socio-politiques
qui étaient les mêmes que celles des
gens du pays. Nous n’étions plus des étrangers canadiens provenant du
Venezuela. Mes parents étaient fiers du résultat en général de comment nous
étions devenus à l’aise avec tous les aspects de nos vies en transit. Ils
partageaient cependant une préoccupation qui finirait par nous affecter,
c’était notre départ dans avenir pas trop lointain et qui était inévitable. La
crainte a interrompu une fois de plus notre stabilité et notre sentiment
d’appartenance et avec la possibilité de répercussions entraînées par une
nouvelle transition en espérant ne pas être trop négatives sur leurs enfants.
Certains enfants diplomatiques ne peuvent pas gérer des changements dramatiques
de façon positive, une fois qu’ils atteignent un certain âge et se rendent
compte de la valeur de leur stabilité, un paramètre important dans la
programmation opérationnelle d’un enfant. Être Canadien était, en fait, un
concept étranger pour mon frère et moi qui possédions une compréhension
superficielle de notre pays.
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Maman, Brian et moi à Salto Laja |
Le Canada a toujours joué un rôle majeur en
termes de mon identité et celui-ci était un synonyme de «chez nous». J’étais
«le Canadien» à l’école. Chez nous,
d’habitude signifie l’endroit où l’on revient après l’école, le travail
ou bien après avoir passé du temps avec les amis. Je n’avais pas vécu chez moi
(dans mon pays), en fait, depuis presque six ans, assez comme pour avoir oublié
comment était la vie à Ottawa dans la banlieue. Nous allions tous les ans voir
la famille dans l’Ontario, pendant la période des vacances. Toronto a
généralement servi comme point d’entrée, suivi par un court séjour chez mon
oncle John et ma tante Amy à Étobicoke. Ce fut toujours un moment spécial pour
moi de renouer les relations avec eux, puisque maintenant je commençais à les
associer avec le Canada. La magie du Noël blanc a encore contribué à un
sentiment de vivre dans un rêve. Dans ma perspective, le Canada était pour
passer du temps avec mon oncle John et ma tante Amy. J’aimais traverser les
portes automatiques de l’aéroport, après avoir passé les douanes et
l’immigration, j’avais hâte de voir mon oncle qui était venu nous chercher. Mes
grands-parents habitaient Kingston, à environ trois heures de distance de
Toronto vers le nord. La route pour arriver chez eux semblait éternelle mais
cela vallait bien la peine. Pour la Noël, généralement, nous nous réunissions
chez ma tante Margaret et mon oncle Rick à Grimsby, à environ une heure au sud
de Toronto. C’était l’occasion annuelle pour revoir nos cousins Emily, Stef et
Katie, et passer du temps avec eux. Ils étaient plus jeunes que nous, mais
l’écart d’âge n’a jamais été un obstacle pour jouer ensemble et faire partie de
la famille. Nous étions toujours prêts pour cette occasion de célébrer tous
ensemble les fêtes de fin d’année avec la dinde la plus grande dans le marché.
Je me souviens toujours du goût savoureux de la dinde rôtie au four, la farce,
les pommes de terre et la sauce qui l’accompagnait. J’ai toujours aimé ce goût
unique et délicieux, mais le fait d’être tous réunis pour la saison des fêtes
donnait encore un bien meilleur goût au repas.
Le contact plus frequent avec mon pays a
été à travers les événements organisés par la communauté canadienne, où les
enfants, nous étions invités ainsi que les visites que nous faisions de temps
en temps à l’Ambassade, celle-ci était située sur l’avenue Bernardo O’Higgins
et la rue Ahumada. Ma maman nous emmenait à l’Ambassade quand Brian et moi
étions en congé de l’école, nous allions voir mon papa au bureau, quelque chose
que nous attendions toujours avec impatience. Il y avait de bons endroits pour
manger à Santiago. Chaque fois que nous sommes allés à son lieu de travail, notre
presence a été reconnue et nous avons été accueillis dans un environnement
courtois. Les collègues de mon père qui se rendaient compte que nous étions là
venaient toujours nous dire bonjour et nous demandaient en même temps comment
allait l’école. Ils étaient tous des gens charmants, ils faisaient partie de
notre famille à l’étranger. Le patron de mon père, l’Ambassadeur Michael Mace,
était un homme extrêmement courtois, lui et son épouse ont développé une solide
relation avec mes parents tout au long de notre affectation. Ils nous ont
inclus dans beaucoup de leurs retrouvailles car notre présence les faisaient
penser à leurs propres enfants quand ils avaient notre âge. Leur fils et leur
fille étaient au Canada, probablement à l’université à l’époque. En dehors de
ce monde, j’ai rencontré des travailleurs canadiens impliquaient dans des
projets de développement, chefs d’entreprise de la Banque Scotia engagés dans
des acquisitions avec Banco Sud Americano ainsi que des professionnels venus de
toutes les mines du Grand Nord. J’étais fiers de voir le rôle de mes
compatriotes au Chili, en particulier à travers des projets d’aide au
développement pour améliorer la qualité de vie de membres défavorisés de la
société. Ma maman insistait, nous étions obligés d’assister à ces événements,
ce qui a permis de développer d’excellentes compétences sociales et pris
conscience à un âge précoce de notre pays dans un contexte international.
J’avoue que cette façon d’avoir été élevé est un excellent avantage, on ne peut
pas apprendre ces compétences dans une classe où les sujets sont restraints à
des discussions théoriques. Brian et moi avons reçu très jeunes un diplôme en
sciences sociales et un MBA à travers de cette belle expérience ce qui est un
atout à notre formation.
Un week-end calme d’été, peu après notre
aventure polynésienne. Brian et moi avons été appelés pour venir dans la salle
familiale lorsque nous étions en train de jouer dehors dans le jardin. Mon papa
était assis sur le divan devant la télévision et ma première réaction a été de
me demander quel film nous allions regarder ensemble cette fois…Mes parents
avaient décidé qu’il était important d’enrichir nos connaissances sur le
Canada, puisque le programme de l’école ne comprenait même pas l’essentiel. Ils
pensaient également à la façon dont ils pouvaient nous aider une fois de plus à cette nouvelle transition. Je ne
suis pas sûr ce que mon frère a pensé, mais je ne pouvais pas imaginer que
devions quitter Santiago. Mon papa nous a aussi apporté un grand livre qu’il
avait trouvé parmi ses disques LP et commença à nous expliquer le contenu. Je
me rappelle que le livre avait beaucoup d’images, on aurait dit une
encyclopédie mais avec beaucoup plus d’illustrations. Ce qui était
particulièrement important pour moi, spécialement parce que j’avais eu
plusieurs années d’immersion vis-à-vis la langue, de plus je n’avais jamais
écrit ni lu l’anglais à ce point tournant dans ma vie. Il y avait de nombreuses
descriptions de certains moments clés dans l’histoire du Canada. Les événements
y compris furent: la découverte de
Terre-Neuve par les Vikings, les premiers explorateurs européens, colons
français et anglais, grandes batailles comme la guerre de 1812 et mon sujet
préféré les drapeaux de chaque province, avec leur capitale respective. Au bout
de quelques week-ends comme ceux-ci, nous avions acquis suffisamment de
connaissances comme pour passer un examen de citoyenneté avec des couleurs
battants, si se fut le cas. Ceci a été super intéressant pour moi et très
motivant pour apprendre plus au sujet de mon pays.
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La famille Bickford visite un projet de dévelopment au sud du Chili |
Il peut être une tâche difficile pour les
parents vivant à l’étranger en affectation de créer un environnement stable à
long terme pour leurs enfants. Les enfants ont une certaine tendance à devenir
auto-impliqués et dépendre d’un environnement plus familier qui les fassent
sentir confortables. Les enfants sont des enfants. Les changements sont souvent accompagnés d’un sentiment de
crainte effroyable en raison du chemin inconnu à parcourir. Comme ils ont
l’expérience de nouveaux événements d’une façon quotidienne, une refonte de la
vie peut être effrayante et dans certains cas traumatisante.Certains enfants
expatriés dont j’ai rencontré plusieurs en parcourant ce sentier, deviennent
aigris, et même moi, quand nous sommes rentrés à Ottawa après notre affectation
à Brasilia, je m’étais déclaré en grève. Il est difficile de s’adapter à un
nouvel environnement spécialement lorsqu’on habite dans un endroit et le
lendemain sans y penser pourrait devenir une différente histoire. Même le
passé, le Venezuela, semblait être très lointain. J’aimais la diversité,
connaître des différentes cultures, des langues, des traditions, des habitudes,
et je répondais toujours à toutes ces différences enrichissantes avec beaucoup
de respect. J’ai aussi apprécié mon sens d’appartenance. Mes parents ont réussi
à faire un excellent travail en voulant être sûrs de notre adaptation en nous
entourant d’affection et d’appui. Je savais que j’étais Canadien mais j’avais
développé une identité fortement chilienne, me menant à croire que le Chili
était mon pays de permanence. Si tout va bien, pourquoi faut-il changer? L’idée
de quitter le pays me semblait ridicule et n’arrivais pas à comprendre. Même si
on nous avait dit à Brian et moi que nous reviendrions à Ottawa un jour, il y
avait un sentiment aigre-doux de voir arriver une fois de plus la fin d’un
autre chapitre.
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